Poétique et politique du genre dans les migrations
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les 22 et 23 juin 2009
en Sorbonne, Salle Bourjac,
17, place de la Sorbonne Paris 5ème
« Un acte d’hospitalité ne peut être que poétique »
Jacques Derrida
On mettra à profit le fait que le Symposium du Programme « Tempus Drive » se tient à Paris pour considérer la problématique des migrations et la question des droits des femmes et de la famille entre les rives de la Méditerranée in situ : c’est-à -dire dans la perspective du pays dit d’ « accueil ».
Il s’agira par suite d’examiner la situation en matière de politiques conduites à cet égard en France (nationales, bilatérales, européennes, internationales), en matière de lois et de mise en pratique, de structures socioculturelles et de dysfonctionnements, d’institutions et d’organismes associatifs. Car la question des droits des femmes et de la famille en migration touche évidemment tous les domaines de la vie en société : les droits civils et civiques (titre de séjour, nationalité, vote ; mais aussi qualité de vie : logement, environnement) ; les droits au travail (y compris équité salariale) ; aux soins de santé ; mais aussi le droit inaliénable d’accéder à l’enseignement et à la recherche, le droit d’accès à l’environnement culturel et en particulier à la littérature, laquelle a le droit de tout dire et de faire entendre toutes les hypothèses.
Bien des paramètres entrent en ligne de compte : la différence entre les générations de migrants ; l’apprentissage de la ou les langues (ne faut-il pas dépasser l’illusion du monolinguisme de la langue maternelle et plaider pour un droit à la pluralité linguistique ? Et pourquoi pas une école française où les enfants migrants pourraient aussi continuer à apprendre la langue de leurs parents ?) ; la pratique du culte religieux (abordera-t-on l’épineuse question du port du foulard et de la laïcité ?). En fait, lorsqu’on tente d’évaluer la portée de « l’intégration » ou « la différence », on voit que ces mots sont rapidement à double entente, tout comme « communauté », « communautaire », « métisse », ou encore « francophonie » et « littérature postcoloniale ». Sans oublier les doutes : jusqu’où y a-t-il droit ? et où zones sans-droit ? Jusqu’où faut-il légiférer ?
Questionnement à reprendre donc, et à questionner inlassablement : avons-nous bien posé les questions ? avons-nous pesé nos mots ?
On tentera de faire un état des lieux en s’efforçant de croiser une réflexion théorique de fond quant à l’hospitalité (et donc une réÌflexion sur : altérité, exil, marginalisation, discrimination, xénophobie), quant à la mémoire et l’archive, « mémoire tatouée » (Abdelkebir Khatibi), « écriture de transhumance » (Assia Djebar), « surtout, surtout, écrit Derrida, le devoir d’hospitalité à l’étranger ou à l’exilé, à la langue de l’autre, à l’arrivant, à ce qui vient, à la nouveauté de ce qui arrive, à ce qui reste à venir ou qui vient de loin », s’efforçant de croiser, donc, cette réflexion théorique avec des analyses de la situation concrète aujourd’hui, en France, dans les divers domaines qui constituent la vie des familles migrantes, en particulier la vie des femmes au sein de la cellule familiale immigrée à l’épreuve, double, du dehors et du dedans.
A cet égard, et de façon différentielle, il sera nécessaire de se donner le temps et les moyens de penser la notion de « genre », sa portée, ses tenants et aboutissants, ses usages qui ne sont pas forcément les mêmes selon les contextes sur les rives de la Méditerranée. Question de stratégie : on pourra se demander s’il convient de ne conserver que ce terme, en passe de s’institutionnaliser en Europe et de gommer la différence sexuelle, ou s’il serait bon de pouvoir employer aussi, selon les cas, d’autres désignations comme : différences sexuelles, rapports de sexe, féminologie, études féminines et féministes.
Nous n’aborderons sans doute pas en détail, faute de temps, un si vaste ensemble : deux grands axes du moins permettront d’articuler ces pistes d’étude et de les faire communiquer.
1. Droit de cité : L’expression qui, dans l’Antiquité, désignait l’ensemble des droits publics et privés des citoyens de la cité ou de l’État et excluait les étrangers, a l’avantage de placer d’emblée la réflexion sur la frontière, la multiplication des frontières intérieures, les exclusions, et sur les formes que cette réflexion prend en droit, en politique, dans les oeuvres d’art et les lettres. C’est aussi la possibilité offerte de penser le lieu urbain par rapport à la place qui est faite aux femmes.
2. Littératures migrantes : questions de langues, questions de genres. Ce second axe invite à considérer le champ des apprentissages et des difficultés linguistiques (bilinguisme, diglossie, diglossie littéraire) ; des représentations de soi dans la langue-autre, de la prise de parole des migrantes, l’émergence de leurs récits propres et de ce que les oeuvres littéraires peuvent faire entendre de leurs langues ; de la faculté de transmission. C’est aussi l’espace où penser ce que la construction de « genre » apporte à une pensée de l’égalité des chances et de la parité, à l’inscription des différences sexuelles dans les langues. Où prendre la mesure de ce que, travaillée par l’inscription des altérités sexuelles et culturelles, l’écriture romanesque en français génère des genres littéraires inédits. Que, dans l’écriture migrante, le « genre » ne va pas sans l’émergence de nouvelles formes littéraires.
Mireille Calle-Gruber
P R O G R A M M E
DANS LE CADRE DU MASTER TEMPUS DRIVE « LES DROITS DES FEMMES DES DEUX RIVES DE LA MÉDITERRANÉE. LA FAMILLE EN MIGRATION : LE CAS DU MAROC (2007-2010)
22 juin 2009
9h30-10h : Ouverture par Marie-Christine Lemardeley, Présidente de La Sorbonne Nouvelle – Paris 3, et Pierre Civil, Vice-Président de La Sorbonne Nouvelle – Paris 3
Présentations par Mireille Calle-Gruber, Francesca Brezzi et Abdallah Ounnir
Thème 1 : DROIT DE CITÉ
10h-12h30 : Évolutions du droit et émancipation des femmes migrantes
Abdallah Ounnir : « Les femmes émigrées ou Le passage de la société aliénante à une société émancipatrice »
Malika Benradi : « Impacts de la réforme du droit de la famille sur les droits des femmes marocaines migrantes : quelles avancées, quels obstacles et quels défis ? »
Nacer Mtioui : « La religion et les droits familiaux de la femme marocaine résidant à l’étranger »
Janick Roche-Dahan : « De la hiérarchie à l’égalité entre les sexes au sein du couple : Une réÌflexion sur le genre à partir de l’évolution du droit de la famille en France »
Mohamed Khachani : « Les femmes maghrébines immigrées dans l’espace économique des pays d’accueil : quelle insertion ? »
Déjeuner
14h-15h30 : Questions de genres
Armelle Le Bras-Chopard : « Les femmes peuvent-elles être noyées dans la « diversité » ? »
Arafat Sadallah : « Genres en migration. Du féminisme islamique »
Janine Mossuz-Lavau : « Pour en finir avec la guerre des sexes »
15h30-16h : Pause
16h-18h : Femmes frontières
Tamar Pitch : « L’anthropologie des droits humains »
Bernadette Rigaud et Maria Grazia Ruggerini : « Immigrées et Italiennes : Quelle citoyenneté? »
Nadia Naïr : « Les voiles qui dévoilent »
Myriam Gaume : « Les deux mystères »
18h-19h : Lecture par l’écrivain Chantal Chawaf
23 juin 2009
9h30-10h : Ouverture par Michèle Gendreau-Massaloux, Conseiller, Mission Union pour la Méditerranée
Thème 2 : LITTÉRATURES MIGRANTES : QUESTIONS DE LANGUES, QUESTIONS DE GENRES
10h30-13h : Hospitalités
Francesca Brezzi : « Absence d’une patrie commune qui fait de l’Autre l’Étranger. À partir d’Emmanuel Levinas, Totalité et infini »
Mireille Calle-Gruber : « L’accueil illimité. De la littérature et des humanités à l’Université»
Dominique Simon : « Femmes au CNRS »
Melina Balcazar : « Droit d’asile »
Déjeuner
14h30-16h : A plus d’une langue
Dominique Combe : « Les écritures migrantes »
Hervé Sanson : « Rapports de genres dans le Journal de Mouloud Feraoun »
Sofiane Laghouati : « On ne parle jamais qu’une seule langue » Une « diglossie littéraire » pour (re)penser le monde »
16h-16h30 : Pause
SIWA-PLATEFORME : AU BORD DES LANGUES, À LA LIMITE DES ARTS
16h30-17h30 : Je pense à toi. Trois témoignages sur l’expérience artistique de femmes immigrées à Paris (Ateliers Berthier-Théâtre de l’Odéon), Hamida Guessaf, Rahma Salah et Sabah El Jabli (Coordinatrice du projet)
17h30-19h30 : Expériences théâtrales. Projection images et son de la pièce « Je pense à toi» qui s’est tenue en juin 2008 au Théâtre de l’Odéon- Ateliers Berthier à Paris. Suivi de Rencontre avec Michel Cerda (Metteur en scène), Yagoutha Belgacem (Directrice artistique) et Arafat Sadallah (Collaborateur artistique)
Contact : anais.frantz@club-internet.fr
Responsable : Mireille Calle-Gruber
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