Colloque: « Élection, loi et communauté » – Réflexions autour du livre de Milad Doueihi, « Solitude de l’Incomparable, Augustin et Spinoza » (4 mars 2011)
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Élection, loi et communauté : de l’Alliance à la cité chrétienne
Réflexions autour du livre de Milad Doueihi,
Solitude de l’Incomparable, Augustin et Spinoza
Rencontre à l’initiative de la Revue de l’histoire des religions
et de l’Association des Amis de Spinoza
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Vendredi 4 mars 2011
Faculté de Théologie Protestante
83 boulevard Arago, 75014, Paris
Salle 11 (Bâtiment central, 1er étage)
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PROGRAMME
Matinée : 9h30-12h30
Frédéric Gabriel : Présentation
Pierre Descotes, La notion de testament chez Augustin
Jérémy Delmulle, « Gratia Adami, gratia Christi ». La nature, la Loi et la grâce dans le premier augustinisme.
Dominique Iogna-Prat, Institutionnalisation de la grâce et retour de la Loi : un parcours médiéval
Après-midi : 14h15-17h30
Présidée par Pierre-François Moreau
Christian Bouchindhomme, Autour de la notion de « civitas »
Dan Arbib, Spinoza et Lévinas : une critique paradoxale
Frédéric Gabriel, La juridiction comme réécriture, au reflet de la communauté
Contact : Frédéric Gabriel (frederic.gabriel@gmail.com)
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Dans le cadre d’un projet plus large sur les lois bibliques et leur réception, cette journée entend partir d’un livre récent de Milad Doueihi (Solitude de l’Incomparable. Augustin et Spinoza, Paris, Éd. du Seuil, 2009) pour se focaliser sur l’élection et le don de la loi, mis en perspective dans le cadre du christianisme comme relecture. La Bible et ses exégèses donnent à voir le statut d’une communauté marquée par l’Alliance. Pensée comme singulière et radicale, donatrice d’identité, elle distingue cette communauté de toute autre, elle scelle non seulement un pacte entre Dieu et son peuple, mais aussi une prétention exclusive à la vérité.
Constater ou postuler l’élection d’un peuple est une manière de décrire le statut d’une communauté incomparable. Comment lire ou relire cette Alliance ? Est-elle déjà , en elle-même, une réécriture ? Quelle liberté le christianisme prend-il avec cette tradition qu’il entend expliquer, transformer, faire aboutir et universaliser ? Sa lecture permet-elle un geste de libération qui prolonge celui de Dieu vis-à -vis des juifs en Égypte, symbolise-t-elle une autonomisation de la loi en chaque sujet ? Comment les principes de lectures tirés du texte source sont-ils retravaillés pour penser une nouvelle communauté et un passage de la Loi à la grâce ? On sait combien cette (re)lecture peut orienter radicalement la vie religieuse et politique : d’un côté, le culte protestant du Désert est une réactivation de l’Alliance, de l’autre, l’enquête sur le judaïsme de Richard Simon est essentielle aux chrétiens pour repenser leur identité.
Le passage de l’Alliance à la cité chrétienne, plus qu’une évolution, qu’une simple clôture, indique l’un des points que l’on pourrait soumettre à la discussion : comment le modèle chrétien s’articule-t-il à l’Alliance, à l’identité d’un peuple choisi, déterminé par cette Alliance. Que reste-t-il dans le christianisme de la distinction mosaïque sur laquelle insistent Jan Assmann (Le prix du monothéisme) et Milad Doueihi (p. 24). Si la Loi sépare radicalement une communauté singulière, marquée, le christianisme se veut incomparable par le biais d’un acte tout autre : un accomplissement du lien à Dieu qui absorbe la tradition précédente dans un mouvement d’universalisation de la communauté et de donation sans retour. L’histoire biblique, qui est aussi une histoire du sens, est réorientée par la révélation comme incarnation, comme loi viscérale : « l’élection n’est que la première articulation de la vérité divine, celle de l’Incarnation et de sa grâce » (M. Doueihi, p. 41). Le Verbe divin ne fixe plus des frontières, il n’apporte plus un code juridique, il parle le langage universel de l’intériorité et de la conversion qui combine lecture de soi et nouvelle institution. Cette perfection comme point d’aboutissement de la première Alliance est, elle aussi, une (re)lecture qui prétend à l’authenticité et à l’absolue vérité. Le travail d’exégèse participe de l’action constitutive de la forme politique, en même temps qu’il suit la logique de la grâce qui, pour Augustin, convertit (subvertit ?) l’élection. Le circonstanciel et le local du premier don de la loi sont lus en fonction d’un déplacement et d’un nouvel état qui leur donnent leur sens plein. La lecture est elle-même un travail de conversion, de contestation et d’élaboration de l’identité. À cette dynamique, on peut intégrer celle qui relie exégèse, tradition, clôture d’un canon, et qui incline à percevoir l’exégète ou le législateur comme celui qui identifie les traditions en même temps qu’il propose, subtilement, un nouveau modèle de pensée et de lecture.
La loi est pensée tout autant comme la forme que comme le socle d’une communauté, mais comment manifester ce caractère fondateur et fondamental ? Comment lire la loi à l’aune de ce qui lui préexiste, comment la recevoir et la (re)lire à l’issue d’un moment déjà marqué par la tradition ? Dès lors, quel type de normativité s’impose ? Comment le don de la loi est-il articulé à la genèse du politique et du social ? Quel effet de normativité tel ou tel texte entreprend-il de produire ? Quelle sorte de lecture de la société le texte juridique modèle-t-il ? Quel rôle la subjectivité du lecteur tient-elle dans ce processus qui peut aussi bien soutenir une logique impériale qu’une souveraine liberté de philosopher ? Avec quels outils philologiques ou idéologiques, lectures critiques et canons institutionnels s’opposent-ils ?
F.G.
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